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Pitt Brandenburger

Dans « Le baron perché », le roman et conte philosophique d’Italo Calvino, le jeune Côme n’a besoin que d’un arbre, l’Yeuse (ou Chêne vert), pour avoir un royaume.

Par analogie, l’œuvre du sculpteur Pitt Brandenburger est du même bois philosophique,  poétique aussi, et tout autant symbolique qu’allégorique.

Mais si l’arbre est effectivement un royaume, où terre et ciel complotent, Pitt Brandenburger ne privilégie pas une seule espèce, loin s’en faut : c’est avec toutes les essences qu’il entre en communion, faisant du bois une religion. Tous ses travaux (sculptures, dessins, herbiers et autres recherches botaniques ou taxinomiques) convergent en un langage universel,  qui questionne le désir, la peur, la mort, le temps. Le projet de Pitt Brandenburger, c’est de percer les secrets (de communication, d’organisation, d’entraide) de ces êtres immobiles, éminemment sensibles et bavards, que sont les arbres pour réaliser une sorte de fresque du vivant, en tout cas, un choc de la beauté partagée en miroir par l’architecture végétale et la condition humaine, par les arbres (le noyer d’ici ou le baobab d’ailleurs) et les hommes, avec leurs croyances, leurs savoir-faire aussi,  sans clivage.

En fait, c’est une fois au sol, terrassés par l’âge ou la cognée, que les tilleuls, frênes, érables, robiniers ou faux-acacias, les fruitiers et autres Fallen Trees (d’où le titre du projet) parlent à l’oreille de l’artiste. Et la conversation est intime.  Comme l’est une prière. Avec son sens de l’observation, son goût pour l’approche scientifique – sans bouder l’ambiguïté, ni l’anthropomorphisme -, sa fascination pour le mystère, la dimension métaphysique, ésotérique aussi, le sculpteur Brandenburger bouture les mythes, les légendes, les nombres « sacrés » ou « chiffres magiques » – le 3, le 7 et le 21 – pour faire naître des formes d’une complexe sensualité, autant de demeures de l’alliance de la lumière et des ténèbres, autrement dit : des tabernacles.  Chaque forme – sentinelle oblongue, guerrier fuselé – recèle des objets – pièces d’orfèvrerie, de ferronnerie ou de maroquinerie -, comme tout gardien visible de cette quête précieuse qu’est l’invisible.

Par sa charge humaniste, sa spiritualité, sa façon d’embrasser une communauté de corps et d’esprit  – associant création artistique, métiers d’art et essences -, « Fallen Trees » a l’envergure d’un projet de vie. Du reste, chemin faisant, à l’endroit où un arbre tombe, ou à chaque fois qu’un arbre tombé intègre la communauté, Pitt Brandenburger entend installer un macaron identifiant le projet et son créateur. Un macaron comme signe … d’êtres connectés.

Marie-Anne Lorgé

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